Construction des boulis (retenues d’eau)
En mooré, le mot « bouli » signifie « point d’eau » ou « étang aménagé ». Les bouli est une technique utilisée pour récupérer les eaux de ruissellement. Elle consiste à creuser une mare afin d’augmenter sa capacité de stockage en eau. Des périmètres maraîchers sont alors aménagés autour du bouli, facilitant l’arrosage des planches et l’abreuvement des animaux. C’est une pratique de gestion durable des ressources naturelles qui permet une diversification agricole notable.
Contexte
Le Sahel burkinabé s’inscrit dans un contexte climatique difficile, continuellement en déficit pluviométrique. Les pluies tombent toujours soudainement et de façon violente. L’eau ne s’infiltre pas mais s’écoule directement à la surface du sol et disparaît vers le fleuve Niger. En raison des faibles précipitations et des forts ruissellements, les réserves en eaux souterraines ne se réalimentent pas. Les puits et les forages réalisés par le passé s’épuisent. Une solution durable s’impose : retenir l’eau quand elle tombe, en la recueillant dans des mares artificielles appelées « boulis », et mettre en place des cultures maraîchères et de céréales en périphérie.
Descrpition
Le bouli retient les précipitations collectées pendant la période des pluies et permet l’arrosage des cultures maraîchères créées en périphérie pendant la saison sèche.
La construction d’un bouli traditionnel, d’une capacité de 1 000 à 6 000 m3, se fait manuellement pour. Le bouli est installé dans la partie la plus basse du micro-bassin versant, qui constitue le point de convergence des eaux de ruissellement. Si des mares naturelles existent à cet endroit, il faut les surcreuser. Il convient d’abord de vérifier la perméabilité du sol en creusant un trou d’un mètre de diamètre et d’un mètre de profondeur. Il faut ensuite le remplir d’eau et observer la vitesse d’infiltration puis la comparer à des standards nationaux. Une étude préalable est nécessaire pour estimer le volume de l’ouvrage et l’espace nécessaire pour pratiquer le maraîchage et les cultures hivernales telles que celles du maïs et du mil.
La construction d’un bouli communautaire, d’une capacité de 20 000 à 25 000 m3, est mécanisée. L’étude préalable doit tenir compte d’aspects socioéconomiques tels que la mobilisation financière des habitants du village, et d’aspects techniques tels que le maximum d’écoulement de l’eau, les pertes d’eau par infiltration et l’évaporation, etc.
La mise en place d’un bouli se fait en plusieurs étapes.
- i) Creusement, infiltration et construction des digues: la construction commence par le creusement de l’aire en forme d’un cône renversé, puis d’un canal d’écoulement permettant l’alimentation du bouli. Ensuite, il faut ajouter une digue de protection et une digue de retenue avec la terre excavée. La première protège les cultures et la retenue d’eau du vent asséchant. La seconde permet de circonscrire la zone de stockage de l’eau et éventuellement d’en relever le niveau, augmentant ainsi la capacité de stockage du bouli.
- ii) Consolidation : La digue et le chenal d’amenée d’eau sont consolidés par l’ajout de pierres à la main. La digue est souvent végétalisée. Cette consolidation du chenal joue également un rôle de frein à l’écoulement de l’eau et de tamis pour limiter l’ensablement du bouli. Pour les ouvrages les plus élaborés, la jonction entre le canal d’écoulement et le bouli est un niveau maçonné, cette zone étant soumise au ravinement le plus fort.
iii) Aménagements pour les cultures : une clôture ou une haie est nécessaire pour protéger les cultures des divagations du bétail et pour délimiter les différentes parcelles. Le sol est préparé à travers le labour afin de réussir le semis.
Impacts
Le bouli permet de :
- remplir les nappes phréatiques en voie d’assèchement et de disposer d’une réserve d’eau ;
- améliorer les rendements à travers la culture maraîchère, même durant la période sèche ;
- augmenter la biodiversité et recréer un écosystème favorable à la faune et la flore locale ;
- lutter contre la désertification ;
- augmenter et diversifier les revenus agricoles (arboriculture, pisciculture…) ;
- contribuer à la cohésion sociale à travers le partage et l’échange.
Facteurs de succès
- La pente doit être moyenne, dans la zone la plus basse du micro-bassin versant ;
- Les sols ne doivent pas être trop perméables et de préférence argileux ;
- La pluviométrie doit se situer entre 300 et 900 mm/an ;
- Le maraîchage et la production hivernale (maïs, mil) sont à privilégier ;
- Un accès aux équipements nécessaires (pelle, bêche ou bulldozer) et aux moyens de transport adaptés (charrette ou camion).
ENSEIGNEMENTS TIRÉS
- Si le niveau de la retenue est plus élevé que le niveau naturel ou si la retenue n’existait pas avant, il faut prévoir un déversoir. Ainsi, en cas de pluies plus abondantes, le bouli ne sera pas détruit.
- L’irrigation n’est pas systématique et est parfois même déconseillée dans un objectif de gestion optimale d’eau. Pratiquer principalement, voire exclusivement, l’arrosage à l’aide de matériel adapté privilégie l’effort humain et donc une rationalisation de la ressource.
- La réflexion en amont de la construction du bouli est essentielle :
- Quels sont les besoins ? Qui sont les bénéficiaires ?
- Quel mode de gestion ? Qui entretient l’ouvrage ? Qui finance la construction ? Quelles règles d’utilisation et de distribution de l’eau ?
- Comment répartir les parcelles ?
- Comment gérer la sécurisation foncière du site maraîcher ?
Défis
- Des connaissances techniques sont nécessaires dans le cas d’un bouli communautaire ;
- La construction et les équipements sont coûteux pour les boulis de grandes capacités ;
- La mobilisation sociale et financière est nécessaire à l’échelle du village ;
- La gestion communautaire est potentiellement conflictuelle ;
- L’accès à l’eau est difficile à gérer entre éleveurs et maraîchers.
Mise à l'échelle
Fort potentiel de mise à l’échelle car c’est une technique relativement simple qui ne nécessite pas de prérequis spécifique à un pays.
En savoir plus
« Le bouli maraîcher » -Savoirs de paysans, 2013.
Pays
- Burkina Faso
Thèmes
- Agriculture & chaînes de valeurs
- Climat, changement climatique & adaptation
- Eau et assainissement
- Sécurité alimentaire
Cibles
- Agriculteurs vulnérables
- Pasteurs et agropasteurs
Piliers AGIR
- Pilier 3 : Améliorer durablement la productivité agricole et alimentaire et les revenus des plus vulnérables et leur accès aux aliments