Dossiers
Réserve régionale de sécurité alimentaire
Partie intégrante de la mise en œuvre de la Stratégie régionale de stockage alimentaire de sécurité de la CEDEAO, la Réserve régionale de sécurité alimentaire constitue une troisième ligne de défense en cas de crise alimentaire, après les stocks de proximité à l’échelle locale/communautaire et les dispositifs nationaux. Adoptée par la CEDEAO en février 2013, la Réserve régionale a été mise en place afin de promouvoir la solidarité régionale face aux crises alimentaires et nutritionnelles. Plusieurs réflexions et activités de lobbying et plaidoyer, conduites par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest dans le cadre du RPCA, ont notamment permis d’avancer dans la formulation de la Réserve et aussi facilité l’endossement et le soutien politique de cette initiative régionale par la communauté internationale à travers le G20. Un projet pilote d’appui à la mise en œuvre de la Réserve, financé par la Commission européenne, a permis d’opérationnaliser cet instrument régional. Son stock physique est réparti dans quatre zones d’entreposage sur la base de critères de facilité et de rapidité de mobilisation et d’intervention.
Sommaire
Contexte
Les réserves alimentaires locales ou nationales sont des instruments de réponse aux crises alimentaires utilisés depuis plusieurs décennies dans la région. Le développement de tels instruments est beaucoup plus avancé dans les pays sahéliens, régulièrement confrontés aux crises alimentaires et nutritionnelles. La complexification croissante des enjeux alimentaires et nutritionnels et leur extension progressive à l’ensemble de l’espace Sahel et Afrique de l’Ouest, ont renforcé l’idée de mettre en place un mécanisme de solidarité régionale. Celui-ci agit comme une troisième ligne de défense après que les deux premières (stocks de proximité et stocks nationaux) aient montré leurs limites. Cet instrument régional s’appuie sur des initiatives anciennes de la région tel que le Réseau des sociétés, commissariats, offices chargés de la gestion des stocks de sécurité alimentaire (RESOGEST), animé par le CILSS depuis les années 80.
Faits marquants
- Dans les années 60, les réserves alimentaires nationales sont d’abord utilisées comme des instruments de stabilisation ou de régulation des marchés lors de mauvaises conjonctures. Ces réserves ont progressivement évolué vers de nouvelles fonctions : ravitaillement des populations victimes de pénuries alimentaires (essentiellement dans les centres urbains au départ, puis dans les régions rurales), et appui au développement agricole.
- Dès les années 80, les bases d’une coopération régionale dans le domaine de la sécurité alimentaire sont jetées, notamment avec l’animation par le CILSS d’un cadre d’échange et de dialogue entre les responsables des structures nationales chargées de la gestion des stocks céréaliers.
- Dans les années 90, les enjeux alimentaires et nutritionnels se complexifient davantage et dépassent les frontières sahéliennes ; de nombreux pays du golfe de Guinée commencent à se doter et/ou à renforcer leurs dispositifs nationaux de stockage alimentaire. La crise alimentaire mondiale en 2007-08 rappelle davantage l’urgence de promouvoir la solidarité et de se doter d’instruments régionaux.
- À partir de fin 2010, le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO) donne une nouvelle impulsion à la réflexion commune. En décembre 2010, le Forum du Club « Solidarité régionale face aux crises alimentaires » a suscité des échanges d’expériences entre l’Afrique, les Caraïbes, l’Asie et l’Europe. Il a fait germer l’idée d’un mécanisme régional de gestion des crises au Sahel et Afrique de l’Ouest. À l’initiative de la CEDEAO, de l’UEMOA et du CILSS, un Task Force a été chargée de formuler une proposition de réserve régionale de sécurité alimentaire, en s’appuyant sur les initiatives antérieures. En appui, le Secrétariat du CSAO/OCDE a réalisé des études, contribué aux discussions et organisé en 2011 une Session Outreach du G20 sur la « Volatilité des prix agricoles et alimentaires ». Ceci a abouti à l’endossement de l’initiative de la région par le G20.
- Adoptée en 2012, la Stratégie régionale de stockage de sécurité alimentaire, conçue dans le cadre de la Politique agricole de la CEDEAO et de sa vision « Faim Zéro » est validée par les ministres en septembre 2012. Celle-ci est fondée sur une complémentarité entre les stocks de proximité gérés par les organisations de producteurs agricoles et éleveurs pasteurs, les stocks nationaux de sécurité gérés par les États et enfin l’instrument régional piloté par la CEDEAO, en étroite coopération avec l’UEMOA, le CILSS et les autres acteurs régionaux (RESOGEST, réseaux d’organisations paysannes, de la société civile et du secteur privé).
- En 2013, la Réserve régionale de sécurité alimentaire est officiellement adoptée par la CEDEAO lors de la Conférence des chefs d’État à Yamoussoukro. Elle bénéficie du soutien de l’Union européenne pour la mise en œuvre d’un projet pilote et commence ses premières opérations avec l’assistance au Nigéria en 2017.
- En 2020, la Réserve régionale est mobilisée pour appuyer les populations vulnérables dans quatre pays : Burkina Faso, Mali, Niger et Nigéria.
Objectifs
La Réserve régionale est une concrétisation de la mise en œuvre de la stratégie de stockage de sécurité dont l’objectif global est « de répondre efficacement aux crises alimentaires aux côtés des États et des acteurs, tout en contribuant à la mise en œuvre de l’ECOWAP/PDDAA dans une perspective de sécurité et de souveraineté alimentaires régionales ».
Objectifs spécifiques :
- Améliorer la réponse aux crises en renforçant la capacité et la réactivité de réponse aux différentes échelles et lignes de défense
- Promouvoir la solidarité régionale et réduire la dépendance à l’égard de l’aide internationale
- Promouvoir un système de stockage ciblé sur l’objectif de réponse aux urgences
- Réduire la volatilité des prix et son impact sur les producteurs et consommateurs.
Stocks physiques
La Réserve régionale comprend un stock physique (un tiers) à même d’assurer un approvisionnement rapide et une réserve financière (deux tiers). Ce dosage entre composante physique et financière permet de réduire les coûts de maintenance des stocks alimentaires et de diversifier les formes d’assistance alimentaire. Différents sites de prépositionnement des stocks physiques ont été retenus de manière à faciliter la rapidité de mobilisation de ceux-ci en cas de besoin. L’approvisionnement de cette composante physique se fait sur la base d’appels d’offres.
Le financement de la Réserve régionale est assuré par une combinaison de ressources nationales, régionales et internationales.
La Réserve régionale ambitionne de promouvoir la production vivrière régionale et sa stratégie d’approvisionnement insiste sur la nécessité de promouvoir et de mettre en priorité les achats locaux auprès des organisations de producteurs et de transformateurs de la région.
Quatre zones d’entreposage
- Espace Ouest-Atlantique : Cabo Verde, Gambie, Guinée-Bissau, Sénégal
- Espace Golfe-Atlantique : Guinée, Libéria, Sierra Leone
- Espace centre : Burkina Faso, Ghana, Mali
- Espace est : Bénin, Niger, Nigéria
L’entreposage et l’entretien des vivres sont confiés aux sociétés publiques nationales de stockage de sécurité alimentaire sur la base de conventions et l’entretien des stocks de la Réserve physique lancé en 2016 a permis de retenir sept structures nationales de stockage :
- SONAGESS au Burkina Faso
- NAFCO au Ghana
- OPAM au Mali
- OPVN au Niger
- FRSD au Nigéria
- CSA au Sénégal
- ANSAT au Togo
Gouvernance de la Réserve
La décision de mobiliser la Réserve régionale pour soutenir un pays de la région repose sur des critères objectifs et reconnus, informés par les analyses du Cadre harmonisé et les recommandations du RPCA. Les dispositions règlementaires de la Réserve régionale ont été validées par le Conseil statutaire des ministres de la CEDEAO les 7 et 8 juillet 2018 à Lomé au Togo. Un manuel de procédure de la Réserve et un dispositif de suivi-évaluation ont été élaborés par l’ARAA/CEDEAO. La Réserve régionale intervient essentiellement sur la base de prêts sous forme de cessions de vivres ou de ressources financières.
Interventions
2020 : appui en faveur du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Nigéria
Face à la crise alimentaire et nutritionnelle 2020, la CEDEAO a mobilisé sa Réserve régionale à plusieurs niveaux :
- Mobilisation d’un montant de 1 million de dollars US du fonds d’urgence humanitaire de la CEDEAO ;
- Déstockage rapide de 2 190 tonnes de céréales de la Réserve régionale en faveur des populations vulnérables du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Nigéria ;
- 2 millions d’euros supplémentaires mobilisés pour des imprévus du projet d’appui au stockage de sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest de l’Union européenne afin d’augmenter l’assistance alimentaire aux pays ciblés en mobilisant plus de stocks de la Réserve. Ces appuis comprennent une quantité de céréales estimée à 4 993 tonnes (riz, maïs, mil et sorgho) pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Nigéria, et d’une combinaison de 4 produits nutritionnels (pumpy nuts, supercereals, supercereals plus, farine de maïs enrichie) d’une valeur de 430 000 euros pour le Niger.
Cette opération se fait à travers une action combinée de mobilisation des stocks de la Réserve et d’achats complémentaires de céréales directement auprès des organisations de producteurs. Elle est complétée par des achats de produits nutritionnels auprès des entreprises pré-qualifiées, en capacité de fournir les produits nutritionnels de qualité à la Réserve régionale.
Ces deux interventions permettent de tester simultanément trois modalités :
- le principe du tiers payant dans le dispositif de financement des interventions de l’instrument technique « Réserve »
- l’utilisation de produits nutritionnels dans la réponse aux crises
- la procédure d’achats directs auprès des organisations de producteurs ou des coopératives professionnelles
Source : CEDEAO, News from the Department : agriculture, environnement, ressources en eau, bulletins d’information trimestriels, n° 2 et 3, mars-juin 2020
2017-19 : interventions antérieures
Interventions sur le stock physique décidées par le Comité et mises en œuvre par la CEDEAO :
- Nigéria : 1 130 tonnes, 8 août 2017
- Ghana : 2 750 tonnes, 28 décembre 2018
- Burkina Faso : 4 303 tonnes, 9 août 2018
- Niger : 6 528 tonnes, 7 août 2018
- Nigéria : 5 000 tonnes, 31 janvier 2019
Au total, 19 711 tonnes ont été mobilisées.
Soutien de l'Union européenne
Dans le cadre de l’opérationnalisation de la Réserve régionale, la Commission européenne a apporté son appui à la CEDEAO à travers le Projet d’appui au stockage de sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest d’un coût de 56 millions d’euros. En plus de la mise en place des instruments de gestion de la réserve, le projet a permis un approvisionnement de 31 500 tonnes de la composante physique.
Composantes du projet
- Mise en place et fonctionnement de la Réserve régionale
- Appui aux systèmes de stockage nationaux et leur mise en réseau (RESOGEST)
- Appui et mise en réseau des systèmes de stockage de proximité ou décentralisés, pilotés par les organisations paysannes, les organisations de la société civile ou les collectivités locales
- Appui à la dimension « vulnérabilité » des systèmes et outils d’information (ECOAGRIS ; cadre harmonisé bonifié)
- Renforcement de l’aide à la décision et des capacités de l’ARAA
En savoir plus
- Programme d’appui au stockage de sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, ARAA/CEDEAO
- AFD, EU (2018). Rapport d’exécution annuel 2017-2018
- AFD, EU (2017). Rapport d’exécution annuel 2016-2017
- AFD, EU (2016). Rapport d’exécution annuel 2015-2016
Documents clés
Documents stratégiques
- CEDEAO (2019). De l’Acte additionnel aux Règlements d’exécution
- CEDEAO (2019). Guide d’orientation pour la définition/révision des politiques nationales de stockage
- CEDEAO (2019). Référentiel des bonnes pratiques de gestion des stocks publics
- CEDEAO (2012). Stratégie régionale de stockage dans l’espace CEDEAO
Études de faisabilité et réflexions
- CEDEAO (2019), Réserves alimentaires, du local au régional : comment les synergies entre les différents niveaux contribuent à la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest
- SOS Sahel et al. (2016). Assurer la viabilité et promouvoir le développement des systèmes de stockage alimentaire de proximité en Afrique de l’Ouest
- CSAO/OCDE (2016). Maps & Facts : La Réserve régionale de sécurité alimentaire
- CEDEAO et al. (2012). RESOGEST : Étude de faisabilité, Réserve régionale de sécurité alimentaire
- CSAO/OCDE (2012). Évaluation des capacités de stockage alimentaire au Sahel et en Afrique de l’Ouest, Enjeux ouest-africains.
- CSAO/OCDE (2011). Volatilité des prix agricoles et alimentaires. Vues et perspectives africaines, Session Outreach G20, Paris, France.
- CSAO/OCDE (2010). Solidarité régionale face aux crises alimentaires , Forum 2010, Accra, Ghana.
- CSAO/OCDE (2010). Étude régionale sur les stocks d’urgence en Afrique de l’Ouest et au Sahel
- CSAO/OCDE (2007). La souveraineté alimentaire en Afrique de l’Ouest : des principes à la réalité
Echos des stocks alimentaires
- CEDEAO/ARAA (2019). Echos des stocks alimentaires, no. 05-06, mars 2019
- CEDEAO/ARAA (2018). Echos des stocks alimentaires, no. 04, septembre 2018
- CEDEAO/ARAA (2018). Echos des stocks alimentaires, no. 03, juin 2018
- CEDEAO/ARAA (2018). Echos des stocks alimentaires, no. 02, 2018
- CEDEAO/ARAA (2017). Echos des stocks alimentaires, no. 01, décembre 2017