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Situation pastorale face au Covid-19

Situation pastorale face au Covid-19

Bien avant l’irruption du Covid-19, la situation pastorale était déjà tendue en raison d’importants déficits fourragers, notamment en Mauritanie et au Sénégal ainsi que par endroits au Mali et au Niger. La crise sécuritaire a également fortement perturbé les activités pastorales dans la zone du Liptako-Gourma et dans le bassin du lac Tchad : fermeture de marchés à bétail, difficulté d’accès à certains pâturages, transhumance limitée ou interdite. La situation s’est davantage aggravée avec les limitations de la mobilité liées au Covid-19.  Plusieurs membres du RPCA se mobilisent pour mettre en place des initiatives de veille, renforcer les systèmes d’alerte précoce existants et coordonner les réponses. L’appel de l’ensemble des acteurs est unanime : il est urgent de mettre en place une réponse ciblée en faveur des acteurs des filières agropastorales.

Production fourragère

Si la disponibilité de la biomasse est globalement satisfaisante dans les pays du golfe de Guinée, elle est limitée dans les pays sahéliens (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad). Certaines régions au Nigéria (Adamaoua, Central zone, Northern zone, Southern zone) atteignent également le seuil d’alerte. La situation est particulièrement préoccupante en Mauritanie et au Sénégal qui enregistrent la quatrième année consécutive de déficits de biomasse. De plus, des feux de brousse y ont détruit le peu de pâturage qui existait, aggravant ainsi la vulnérabilité des ménages pastoraux. Selon une analyse réalisée par l’ACF, le GNAP et le RBM fin février 2020, 84 % des territoires sud-mauritaniens et 49.6 % des territoires nord-sénégalais ne sont couverts que par du sol nu, sans aucun pâturage. « Les stocks de pâturage qui étaient faibles à la fin de la dernière saison des pluies sont maintenant épuisés dans beaucoup de régions », indique l’analyse.

Accès aux pâturages

En raison de l’insécurité persistante, l’accès aux pâturages dans les zones pastorales est globalement très difficile dans les pays sahéliens, notamment dans la boucle du Liptako-Gourma. Plusieurs zones sont totalement inaccessibles et se situent au-delà du seuil d’alerte de 75 %. L’accès aux pâturages reste possible dans certaines zones au Niger (Goudoumaria, Manesora, Ngourti), au Tchad (Batha Est, Fitri Bourkou, Lac et Kanem) et au Mali (centre et nord du Mali).

Transhumance

Bien avant le Covid-19, l’année pastorale 2019-20 était marquée par la fermeture des frontières terrestres du Nigéria avec le Bénin et le Niger ainsi que l’interdiction de la transhumance transfrontalière décrétée par le Bénin depuis le mois de décembre 2019. Le seuil d’alerte (transhumance interdite à 75 %) est atteint dans la majorité des pays, à l’exception de la Guinée, du Tchad et du Togo.

Suivant les mouvements saisonniers habituels, la plupart des transhumants se trouvent actuellement dans les pays côtiers d’accueil et devraient amorcer leur retour à partir de fin mai 2020.  La fermeture des frontières perturbe le retour des animaux transhumants dans leurs territoires d’origine ; la forte concentration du bétail aux frontières présente d’importants risques épizootiques et de conflits entre agriculteurs et éleveurs en ce début de campagne agricole. Il est urgent de faciliter les mouvements de retour des transhumants transfrontaliers afin de réduire le risque de mortalité du cheptel affaibli par la sécheresse et de prévenir des conflits potentiels.

La transhumance au sein du même pays est également perturbée en raison des mesures de quarantaine et de couvre-feu limitant la mobilité interne. L’insécurité a entraîné un déplacement massif des éleveurs vers les zones périurbaines.

Maps & Facts: Transhumance et nomadisme

Quarantaine

L’APESS a analysé l’étendue de la quarantaine dans ses pays membres. Cette mise en quarantaine empêche la libre circulation des éleveurs d’une région à une autre ou d’une ville à une autre. Les pays ont également instauré l’État d’urgence, mis en place des interdictions de circulation d’une région à une autre et ont décrété des couvre-feux. Toutes ces mesures, qui visent à garantir la sécurité des personnes, ont des impacts majeurs sur le fonctionnement des filières agropastorales et sur la dégradation des conditions d’existence des acteurs de ces filières, et en premier lieu les familles d’éleveurs. En savoir plus

Fermeture des marchés

Les moyens d’existence des pasteurs sont également fragilisés par les fermeture des marchés hebdomadaires. Les restrictions à la mobilité entraînent également de fortes augmentations de prix du bétail dans les villes.

Au Togo, selon les informations recueillies auprès des responsables des Comités de gestion des marchés : « Il y a un manque à gagner de recettes aussi bien au niveau des COGES que des municipalités avec les mesures prises en réaction à l’épidémie. Les marchés sont moins fréquentés, les marchés à bétail de Koundjoaré et de Cinkassé qui géraient entre 500 et 750 têtes de bovins chaque marché n’en compte plus qu’environ 250 à 400 têtes par jour d’animation. La fréquentation des marchés à bétail a beaucoup chuté avec toutes les mesures prises comme riposte à la pandémie ».

Plusieurs membres du RPCA se mobilisent pour mettre en place des initiatives de veille, renforcer les systèmes d’alerte précoce existants et coordonner les réponses. Par exemple, l’APESS a mené une analyse dans 12 pays membres sur les premières tendances impactant négativement le fonctionnement des filières agropastorales. L’ACF et le RBM ont mis en place une plateforme de suivi-veille pastorale pour analyser les impacts économiques du Covid-19 sur les populations pastorales. Ce système d’information fournit des mises à jour hebdomadaires à travers 340 relais dans 11 pays.

Réponses nationales

La plupart des plans de réponse sont en cours d’élaboration.

Mauritanie

Le président de la Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, a procédé le 13 avril 2020, au lancement d’un programme agropastoral spécial au bénéfice des éleveurs et des agriculteurs pour pallier le déficit pluviométrique. Financé à hauteur de 171 745 642 MRU (4.1 million d’euros), le programme comporte dans le domaine de l’hydraulique pastorale, le forage et l’équipement de 25 puits dans plusieurs wilayas, et dans le domaine de la santé animale, la fourniture gratuite des soins et des médicaments à 400 000 éleveurs dans différentes wilayas. Les produits concernés par le programme agropastoral spécial ont été acheminés dans toutes les communes sur l’ensemble du territoire national en passant par les moughataas dont dépendent ces communes.

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